REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1863

Allan Kardec

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Mars

La lutte entre le Passé et l'Avenir

Une véritable croisade a lieu en ce moment contre le Spiritisme, ainsi que cela nous avait été annoncé ; de divers côtés on nous signale des écrits, des discours et même des actes de violence et d'intolérance ; tous les Spirites doivent s'en réjouir, car c'est la preuve évidente que le Spiritisme n'est pas une chimère. Ferait-on tant de tapage pour une mouche qui vole ?

Ce qui excite surtout cette grande colère, c'est la prodigieuse rapidité avec laquelle l'idée nouvelle se propage malgré tout ce qu'on a fait pour l'arrêter. Aussi nos adversaires, forcés par l'évidence de reconnaître que ce progrès envahit les rangs les plus éclairés de la société et même les hommes de science, sont-ils réduits à déplorer cet entraînement fatal qui conduit la société tout entière aux Petites-Maisons. La raillerie a épuisé son arsenal de quolibets et de sarcasmes, et cette arme qu'on dit si terrible, n'a pu mettre les rieurs de son côté, preuve qu'il n'y a pas matière à rire. Il n'est pas moins évident qu'elle n'a pas enlevé un seul partisan à la doctrine, loin de là, puisqu'ils ont augmenté à vue d'œil. La raison en est bien si triple : on a promptement reconnu tout ce qu'il y a de profondément religieux dans cette doctrine qui touche aux cordes les plus sensibles du cœur, qui élève l'âme vers l'infini, qui fait reconnaître Dieu à ceux qui l'avaient méconnu ; elle a arraché tant d'hommes au désespoir, calmé tant de douleurs, cicatrisé tant de blessures morales, que les sottes et plates plaisanteries déversées sur elle ont inspiré plus de dégoût que de sympathie. Les railleurs se sont en vain battus les flancs pour faire rire à ses dépens : il est des choses dont instinctivement on sent qu'on ne peut rire sans profanation.

Toutefois, si quelques personnes, ne connaissant la doctrine que par les facéties des mauvais plaisants, avaient pu croire qu'il ne s'agissait que d'un rêve creux, de l'élucubration d'un cerveau endommagé, ce qui se passe est bien fait pour les désabuser. En entendant tant de déclamations furibondes, elles doivent se dire que c'est plus sérieux qu'elles ne pensaient.

La population peut se partager en trois classes : les croyants, les incrédules et les indifférents. Si le nombre des croyants a centuplé depuis quelques années, ce ne peut être qu'aux dépens des deux autres catégories. Mais les Esprits qui dirigent le mouvement ont trouvé que les choses n'allaient point encore assez vite. Il y a encore, se sont-ils dit, beaucoup de gens qui n'ont pas entendu parler du Spiritisme, dans les campagnes surtout ; il est temps que la doctrine y pénètre ; il faut en outre réveiller les indifférents engourdis. La raillerie a fait son office de propagande involontaire, mais elle a tiré toutes les flèches de son carquois, et les traits qu'elle décoche encore sont émoussés ; c'est un feu trop pâle maintenant. Il faut quelque chose de plus vigoureux, qui fasse plus de bruit que le cliquetis des feuilletons, qui retentisse jusque dans les solitudes ; il faut que le dernier village entende parler du Spiritisme. Quand l'artillerie tonnera, chacun se demandera : Qu'y a-t-il ? et voudra voir.

Lorsque nous eûmes fait la petite brochure : Le Spiritisme à sa plus simple expression, nous demandâmes à nos guides spirituels quel effet elle produirait. Il nous fut répondu : Elle produira un effet auquel tu ne t'attends pas, c'est-à-dire que tes adversaires seront furieux de voir une publication destinée, par son extrême bon marché, à être répandue en masse et à pénétrer partout. Il t'a été annoncé un grand déploiement d'hostilités, ta brochure en sera le signal. Ne t'en préoccupe pas, tu connais la fin. Ils se fâchent en raison de la difficulté de réfuter tes arguments. – Puisqu'il en est ainsi, dîmes-nous, cette brochure, qui devait être vendue 25 centimes, sera donnée pour deux sous. L'événement a justifié ces prévisions, et nous nous en félicitons.

Tout ce qui se passe d'ailleurs a été prévu et devait être pour le bien de la cause. Quand vous verrez quelque grande manifestation hostile, loin de vous en effrayer, réjouissez-vous-en, car il a été dit : le grondement de la foudre sera le signal de l'approche des temps prédits. Priez alors, mes frères ; priez surtout pour vos ennemis, car ils seront pris d'un véritable vertige. Mais tout n'est pas encore accompli ; la flamme du bûcher de Barcelone n'a pas monté assez haut. Si elle se renouvelle quelque part, gardez-vous de l'éteindre, car plus elle s'élèvera, plus, semblable à un phare, elle sera vue de loin, et restera dans le souvenir des âges. Laissez donc faire, et nulle part n'opposez la violence à la violence ; souvenez-vous que Christ a dit à Pierre de remettre son épée dans le fourreau. N'imitez pas les sectes qui se sont entre-déchirées au nom d'un Dieu de paix, que chacune appelait en aide à ses fureurs. La vérité ne se prouve point par les persécutions, mais par le raisonnement ; les persécutions ont de tout temps été l'arme des mauvaises causes, et de ceux qui prennent le triomphe de la force brutale pour celui de la raison. La persécution est un mauvais moyen de persuasion ; elle peut momentanément abattre le plus faible, le convaincre, jamais ; car, même dans la détresse où on l'aura plongé, il s'écriera, comme Galilée dans sa prison : e pur si move ! Avoir recours à la persécution, c'est prouver que l'on compte peu sur la puissance de sa logique. N'usez donc jamais de représailles : à la violence opposez la douceur et une inaltérable tranquillité ; rendez à vos ennemis le bien pour le mal ; par là vous donnerez un démenti à leurs calomnies, et les forcerez de reconnaître que vos croyances sont meilleures qu'ils ne le disent.

La calomnie ! direz-vous ; peut-on voir de sang-froid notre doctrine indignement travestie par des mensonges ? accusée de dire ce qu'elle ne dit pas, d'enseigner le contraire de ce qu'elle enseigne, de produire le mal tandis qu'elle ne produit que le bien ? L'autorité même de ceux qui tiennent un tel langage ne peut-elle fausser l'opinion, retarder le progrès du Spiritisme ?

Incontestablement c'est là leur but ; l'atteindront-ils ? c'est une autre question, et nous n'hésitons pas à dire qu'ils arrivent à un résultat tout contraire : celui de discréditer eux et leur cause. La calomnie est sans contredit une arme dangereuse et perfide, mais elle est à deux tranchants et blesse toujours celui qui s'en sert. Avoir recours au mensonge pour se défendre, c'est la plus forte preuve qu'on n'a point de bonnes raisons à donner, car si l'on en avait, on ne manquerait pas de les faire valoir. Dites qu'une chose est mauvaise, si telle est votre opinion ; criez-le sur les toits, si bon semble, c'est au public de juger si vous êtes dans le faux ou dans le vrai ; mais la travestir pour appuyer votre sentiment, la dénaturer, est indigne de tout homme qui se respecte. Dans les comptes rendus des oeuvres dramatiques et littéraires, on voit souvent des appréciations très opposées ; un critique loue à outrance ce qu'un autre bafoue : c'est leur droit ; mais que penserait-on de celui qui, pour soutenir son blâme, ferait dire à l'auteur ce qu'il ne dit pas, lui prêterait de mauvais vers pour prouver que sa poésie est détestable ?

Il en est ainsi des détracteurs du Spiritisme : par leurs calomnies ils montrent la faiblesse de leur propre cause et la discréditent en faisant voir à quelles pitoyables extrémités ils sont obligés d'avoir recours pour la soutenir. De quel poids peut être une opinion fondée sur des erreurs manifestes ? De deux choses l'une, ou ces erreurs sont volontaires, et alors on voit la mauvaise foi ; ou elles sont involontaires, et l'auteur prouve son inconséquence en parlant de ce qu'il ne sait pas ; dans l'un et l'autre cas il perd tout droit à la confiance.

Le Spiritisme n'est point une doctrine qui marche dans l'ombre ; il est connu, ses principes sont formulés d'une manière claire, précise, et sans ambiguïté. La calomnie ne saurait donc l'atteindre ; il suffit, pour la convaincre d'imposture, de dire : lisez et voyez. Sans doute il est utile de la démasquer ; mais il faut le faire avec calme, sans aigreur ni récrimination, en se bornant à opposer, sans discours superflus, ce qui est à ce qui n'est pas ; laissez à vos adversaires la colère et les injures, gardez pour vous le rôle de la force véritable : celui de la dignité et de la modération.

Du reste, il ne faut pas s'exagérer les conséquences de ces calomnies, qui portent avec elles l'antidote de leur venin, et sont en définitive plus avantageuses que nuisibles. Elles provoquent forcément l'examen des hommes sérieux qui veulent juger les choses par eux-mêmes, et y sont excités en raison de l'importance qu'on y donne ; or, le Spiritisme, loin de redouter l'examen, le provoque, et ne se plaint que d'une chose, c'est que tant de gens en parlent comme les aveugles des couleurs ; mais grâce aux soins que nos adversaires prennent de le faire connaître, cet inconvénient n'existera bientôt plus, et c'est tout ce que nous demandons. La calomnie qui ressort de cet examen le grandit au lieu de l'abaisser.

Spirites, ne vous plaignez donc pas de ces travestissements ; ils n'enlèveront aucune des qualités du Spiritisme ; ils les feront au contraire ressortir avec plus d'éclat par le contraste, et tourneront à la confusion des calomniateurs. Ces mensonges peuvent certainement avoir pour effet immédiat d'abuser quelques personnes, et même de les détourner ; mais qu'est-ce que cela ? Que sont quelques individus auprès des masses ? Vous savez vous-mêmes combien le nombre en est peu considérable. Quelle influence cela peut-il avoir sur l'avenir ? Cet avenir vous est assuré : les faits accomplis vous en répondent, et chaque jour vous apporte la preuve de l'inutilité des attaques de nos adversaires. La doctrine du Christ n'a-t-elle pas été calomniée, qualifiée de subversive et d'impie? Lui-même n'a-t-il pas été traité de fourbe et d'imposteur ? S'en est-il ému ? Non, parce qu'il savait que ses ennemis passeraient et que sa doctrine resterait. Ainsi en sera-t-il du Spiritisme. Singulière coïncidence ! Il n'est autre que le rappel à la pure loi du Christ, et on l'attaque avec les mêmes armes ! Mais ses détracteurs passeront ; c'est une nécessité à laquelle nul ne peut se soustraire. La génération actuelle s'éteint tous les jours, et avec elle s'en vont les hommes imbus des préjugés d'un autre temps ; celle qui s'élève est nourrie des idées nouvelles, et vous savez d'ailleurs qu'elle se compose d'Esprits plus avancés qui doivent faire régner enfin la loi de Dieu sur la terre. Regardez donc les choses de plus haut ; ne les voyez pas au point de vue rétréci du présent, mais étendez vos regards vers l'avenir et dites-vous : L'avenir est à nous ; que nous importe le présent ! que nous font les questions de personnes ! les personnes passent, les institutions restent. Songez que nous sommes dans un moment de transition ; que nous assistons à la lutte entre le passé qui se débat et tire en arrière, et l'avenir qui naît, et tire en avant. Qui l'emportera? Le passé est vieux et caduc, – nous parlons des idées, – tandis que l'avenir est jeune, et marche à la conquête du progrès qui est dans les lois de Dieu. Les hommes du passé s'en vont ; ceux de l'avenir arrivent ; sachons donc attendre avec confiance, et félicitons-nous d'être les premiers pionniers chargés de défricher le terrain. Si nous avons la peine, nous aurons le salaire. Travaillons donc, non par une propagande furibonde et irréfléchie, mais avec la patience et la persévérance du laboureur qui sait le temps qu'il lui faut pour atteindre la moisson. Semons l'idée, mais ne compromettons pas la récolte par un ensemencement intempestif et par notre impatience, en devançant la saison propre pour chaque chose. Cultivons surtout les plantes fertiles qui ne demandent qu'à produire ; elles sont assez nombreuses pour occuper tous nos instants, sans user nos forces contre des rocs inamovibles que Dieu se charge d'ébranler ou de déraciner quand il en sera temps, car s'il a la puissance d'élever les montagnes, il a celle de les abaisser. Quittons la figure, et disons nettement qu'il est des résistances qu'il serait superflu de chercher à vaincre, et qui s'obstinent plus par amour-propre ou par intérêt que par conviction ; ce serait perdre son temps que de chercher à les amener à soi ; elles ne cèderont que devant la force de l'opinion. Recrutons les adeptes parmi les gens de bonne volonté, qui ne font pas défaut ; augmentons la phalange de tous ceux qui, las du doute et effrayés du néant matérialiste, ne demandent qu'à croire, et bientôt le nombre en sera tel que les autres finiront par se rendre à l'évidence. Déjà ce résultat se manifeste, et attendez-vous, avant peu, à voir dans vos rangs ceux que vous n'y attendiez que les derniers.

Les faux frères et les amis maladroits

Ainsi que nous l'avons démontré dans notre précédent article, rien ne saurait prévaloir contre la destinée providentielle du Spiritisme. De même que nul ne peut empêcher la chute de ce qui, dans les décrets divins : hommes, peuples ou choses, doit tomber, nul ne peut arrêter la marche de ce qui doit aller en avant. Cette vérité, par rapport au Spiritisme, ressort des faits accomplis, et bien plus encore d'un autre point capital. Si le Spiritisme était une simple théorie, un système, il pourrait être combattu par un autre système, mais il repose sur une loi de nature, tout aussi bien que le mouvement de la terre. L'existence des Esprits est inhérente à l'espèce humaine ; on ne peut donc faire qu'ils ne soient pas, et l'on ne peut pas plus leur interdire de se manifester qu'on ne peut empêcher l'homme de marcher. Ils n'ont besoin pour cela d'aucune permission, et se rient de toutes les défenses, car il ne faut pas perdre de vue qu'outre les manifestations médianimiques proprement dites, il y a les manifestations naturelles et spontanées, qui se sont produites dans tous les temps et se produisent tous les jours chez une foule de gens qui n'ont jamais entendu parler des Esprits. Qui pourrait donc s'opposer au développement d'une loi de nature ? Cette loi étant l'œuvre de Dieu, s'insurger contre elle, c'est se révolter contre Dieu. Ces considérations expliquent l'inutilité des attaques dirigées contre le Spiritisme. Ce que les Spirites ont à faire en présence de ces agressions, c'est de continuer paisiblement leurs travaux, sans forfanterie, avec le calme et la confiance que donne la certitude d'arriver au but.

Toutefois, si rien ne peut arrêter la marche générale, il est des circonstances qui peuvent y apporter des entraves partielles, comme un petit barrage peut ralentir le cours d'un fleuve sans l'empêcher de couler. De ce nombre sont les démarches inconsidérées de certains adeptes plus zélés que prudents, qui ne calculent pas assez la portée de leurs actes ou de leurs paroles ; par là ils produisent sur les personnes non encore initiées à la doctrine une impression défavorable, bien plus propre à les éloigner que les diatribes des adversaires. Le Spiritisme est sans doute très répandu, mais il le serait encore plus si tous les adeptes avaient toujours écouté les conseils de la prudence, et su se tenir dans une sage réserve. Il faut sans doute leur tenir compte de l'intention, mais il est certain que plus d'un a justifié le proverbe : Mieux vaut un ennemi avoué qu'un ami maladroit. Le pire de cela, c'est de fournir des armes aux adversaires qui savent habilement exploiter une maladresse. Nous ne saurions donc trop recommander aux Spirites de réfléchir mûrement avant d'agir ; en pareil cas la prudence commande de ne pas s'en rapporter à son opinion personnelle. Aujourd'hui que de tous côtés se forment des groupes ou sociétés, rien n'est plus simple que de se concerter avant d'agir. Le vrai Spirite, n'ayant en vue que le bien de la chose, sait faire abnégation d'amour-propre ; croire à sa propre infaillibilité, refuser de se rendre à l'avis de la majorité, et persister dans une voie qu'on démontre mauvaise et compromettante, n'est pas le fait d'un vrai Spirite ; ce serait faire preuve d'orgueil si ce n'était le fait d'une obsession.

Parmi les maladresses, il faut placer en première ligne les publications intempestives ou excentriques, parce que ce sont les faits qui ont le plus de retentissement. Aucun Spirite n'ignore que les Esprits sont loin d'avoir la souveraine science ; beaucoup d'entre eux en savent moins que certains hommes, et, comme certains hommes aussi, n'en ont pas moins la prétention de tout savoir. Ils ont sur toutes choses leur opinion personnelle qui peut être juste ou fausse ; or, comme les hommes encore, ce sont généralement ceux qui ont les idées les plus fausses qui sont les plus entêtés. Ces faux savants parlent de tout, échafaudent des systèmes, créent des utopies, ou dictent les choses les plus excentriques, et sont heureux de trouver des interprètes complaisants et crédules qui acceptent leurs élucubrations les yeux fermés. Ces sortes de publications ont de très graves inconvénients, car le médium abusé lui-même, séduit le plus souvent par un nom apocryphe, les donne comme des choses sérieuses dont la critique s'empare avec empressement pour dénigrer le Spiritisme, tandis qu'avec moins de présomption, il lui eût suffi de prendre conseil de ses collègues pour être éclairé. Il est assez rare que, dans ce cas, le médium ne cède pas à l'injonction d'un Esprit qui veut, hélas ! encore comme certains hommes, à toute force être imprimé ; avec plus d'expérience, il saurait que les Esprits vraiment supérieurs conseillent, mais ne s'imposent ni ne flattent jamais, et que toute prescription impérieuse est un signe suspect.

Lorsque le Spiritisme sera complètement assis et connu, les publications de cette nature n'auront pas plus d'inconvénients que les mauvais traités de science n'en ont de nos jours ; mais au début, nous le répétons, elles ont un côté très fâcheux. On ne saurait donc, en fait de publicité, apporter trop de circonspection, ni calculer avec trop de soin l'effet qui peut être produit sur le lecteur. En résumé, c'est une grave erreur de se croire obligé de publier tout ce que dictent les Esprits, puisque, s'il y en a de bons et d'éclairés, il y en a de mauvais et d'ignorants ; il importe de faire un choix très rigoureux de leurs communications, et d'élaguer tout ce qui est inutile, insignifiant, faux ou de nature à produire une mauvaise impression. Il faut semer, sans doute, mais semer de la bonne graine et en temps opportun.

Passons à un sujet plus grave encore, les faux frères. Les adversaires du Spiritisme, quelques-uns du moins, car il peut y en avoir de bonne foi, ne sont pas, comme on le sait, tous scrupuleux sur le choix des moyens ; tout est pour eux de bonne guerre, et quand on ne peut prendre une citadelle d'assaut, on la mine en dessous. A défaut de bonnes raisons, qui sont les armes loyales, on les voit tous les jours déverser sur le Spiritisme le mensonge et la calomnie. La calomnie est odieuse, ils le savent bien, et le mensonge peut être démenti, aussi cherchent-ils des faits pour se justifier ; mais comment trouver des faits compromettants chez des gens sérieux, si ce n'est en les produisant soi-même ou par des affiliés ? Le danger n'est pas dans les attaques à force ouverte ; il n'est ni dans les persécutions, ni même dans la calomnie, ainsi que nous l'avons vu ; mais il est dans les menées occultes employées pour discréditer et ruiner le Spiritisme par lui-même. Réussiront-ils? C'est ce que nous examinerons tout à l'heure.

Nous avons déjà appelé l'attention sur cette manœuvre dans la relation de notre voyage en 1862 (page 45), parce que, sur notre route, nous avons reçu trois baisers de Judas dont nous n'avons pas été dupe, quoique nous n'en ayons rien manifesté ; du reste nous en avions été prévenu avant notre départ, ainsi que des pièges qui nous seraient tendus. Mais nous avons gardé l'œil sur eux, certain qu'un jour ils montreraient le bout de l'oreille, car il est aussi difficile à un faux Spirite de contrefaire toujours le vrai Spirite, qu'à un mauvais Esprit de simuler un Esprit supérieur ; ni l'un ni l'autre ne peuvent soutenir longtemps leur rôle.

De plusieurs localités on nous signale des individus, hommes ou femmes, aux antécédents et aux accointances suspectes, dont le zèle apparent pour le Spiritisme n'inspire qu'une très médiocre confiance, et nous ne sommes pas surpris d'y rencontrer les trois Judas dont nous avons parlé : il y en a dans le bas et dans le haut de l'échelle. De leur part c'est souvent plus que du zèle ; c'est de l'enthousiasme, une admiration fanatique. Selon eux leur dévouement va jusqu'au sacrifice de leurs intérêts, et malgré cela ils n'attirent aucune sympathie : un fluide malsain semble les entourer ; leur présence dans les réunions y jette un manteau de glace. Ajoutons qu'il en est dont les moyens d'existence deviennent un problème, en province surtout où tout le monde se connaît.

Ce qui caractérise principalement ces prétendus adeptes, c'est leur tendance à faire sortir le Spiritisme des voies de la prudence et de la modération par leur ardent désir du triomphe de la vérité ; à pousser aux publications excentriques, à s'extasier d'admiration devant les communications apocryphes les plus ridicules, et qu'ils ont soin de répandre ; à provoquer, dans les réunions, des sujets compromettants sur la politique et la religion, toujours pour le triomphe de la vérité qu'il ne faut pas tenir sous le boisseau ; leurs éloges sur les hommes et les choses sont des coups d'encensoir à casser cinquante visages : ce sont les Fiers-à-bras du Spiritisme. D'autres sont plus doucereux et plus patelins ; sous leur regard oblique et avec des paroles mielleuses, ils soufflent la discorde tout en prêchant l'union ; ils jettent adroitement sur le tapis des questions irritantes ou blessantes, des sujets de nature à provoquer des dissidences ; ils excitent une jalousie de prépondérance entre les différents groupes, et seraient enchantés de les voir se jeter la pierre, et, à la faveur de quelques divergences d'opinion sur certaines questions de forme ou de fond, le plus souvent provoquées, élever drapeau contre drapeau.

Quelques-uns font, à leur dire, une effrayante consommation de livres spirites, dont les libraires ne s'aperçoivent guère, et une propagande à outrance ; mais, par l'effet du hasard, le choix de leurs adeptes est malheureux ; une fatalité les porte à s'adresser de préférence à des gens exaltés, aux idées obtuses, ou qui ont déjà donné des signes d'aberration ; puis, un cas échéant qu'ils déplorent en le criant partout, on constate que ces gens s'occupaient de Spiritisme, dont la plupart du temps ils n'ont pas compris le premier mot. Aux livres spirites que ces apôtres zélés distribuent généreusement, ils ajoutent souvent, non des critiques, ce serait maladroit, mais des livres de magie et de sorcellerie, ou des écrits politiques peu orthodoxes, ou des diatribes ignobles contre la religion, afin que, toujours un cas quelconque échéant, fortuit ou non, on puisse, dans une vérification, confondre le tout ensemble.

Comme il est plus commode d'avoir les choses sous la main, pour avoir des compères dociles, ce qu'on ne trouve pas partout, il en est qui organisent ou font organiser des réunions où l'on s'occupe de préférence de ce dont précisément le Spiritisme recommande de ne pas s'occuper, et où l'on a soin d'attirer des étrangers qui ne sont pas toujours des amis ; là le sacré et le profane sont indignement confondus ; les noms les plus vénérés sont mêlés aux pratiques les plus ridicules de la magie noire, avec accompagnement de signes et mots cabalistiques, talismans, trépieds sibyllins et autres accessoires ; quelques-uns y ajoutent, comme complément, et parfois comme produit lucratif, la cartomancie, la chiromancie, le marc de café, le somnambulisme payé, etc. ; des Esprits complaisants, qui y trouvent des interprètes non moins complaisants, prédisent l'avenir, disent la bonne aventure, découvrent les trésors cachés et les oncles d'Amérique, indiquent au besoin le cours de la Bourse et les numéros gagnants de la loterie ; puis, un beau jour, la justice intervient, ou bien on lit dans un journal le compte rendu d'une séance de Spiritisme auquel l'auteur a assisté et raconte ce qu'il a vu, de ses propres yeux vu.

Essayerez-vous de ramener tous ces gens-là à des idées plus saines ? Ce serait peine perdue, et l'on comprend pourquoi : la raison et le côté sérieux de la doctrine ne sont pas leur affaire ; c'est ce qui les chagrine le plus ; leur dire qu'ils nuisent à la cause, qu'ils donnent des armes à ses ennemis, c'est les flatter ; leur but étant de la discréditer en ayant l'air de la défendre. Instruments, ils ne craignent ni de compromettre les autres en les poussant sous le coup de la loi, ni de s'y placer eux-mêmes, parce qu'ils savent y trouver compensation.

Leur rôle n'est pas toujours identique ; il varie selon leur position sociale, leurs aptitudes, la nature de leurs relations et l'élément qui les fait agir ; mais le but est toujours le même. Tous n'emploient pas des moyens aussi grossiers, mais qui n'en sont pas moins perfides. Lisez certaines publications soi-disant sympathiques à l'idée, même en apparence défensive de l'idée, pesez-en toutes les pensées, et voyez si parfois à côté d'une approbation placée en guise de couverture et d'étiquette, vous ne découvrez pas, jetée comme par hasard, une pensée insidieuse, une insinuation à double sens, un fait rapporté d'une manière ambiguë et pouvant s'interpréter dans un sens défavorable. Dans le nombre il en est de moins gazées, et qui, sous le manteau du Spiritisme, sont évidemment faites en vue de susciter des divisions parmi les adeptes.

On nous demandera, sans doute, si toutes les turpitudes dont nous venons de parler sont invariablement le fait de manœuvres occultes, ou une comédie jouée dans un but intéressé, et si elles ne peuvent être aussi celui d'un mouvement spontané ; en un mot, si tous les Spirites sont des hommes de bon sens et incapables de se tromper ?

Prétendre que tous les Spirites sont infaillibles serait aussi absurde que la prétention de nos adversaires d'avoir seuls le privilège de la raison. Mais s'il en est qui se trompent, c'est donc qu'ils se méprennent sur le sens et le but de la doctrine ; dans ce cas, leur opinion ne peut faire loi, et il est illogique ou déloyal, selon l'intention, de prendre l'idée individuelle pour l'idée générale, et d'exploiter une exception. Il en serait de même si l'on prenait les aberrations de quelques savants pour les règles de la science. A ceux-là nous dirons : Si vous voulez savoir de quel côté est la présomption de vérité, étudiez les principes admis par l'immense majorité, si ce n'est encore l'unanimité absolue des Spirites du monde entier.

Les croyants de bonne foi peuvent donc se tromper, et nous ne leur faisons pas un crime de ne pas penser comme nous ; si, parmi les turpitudes rapportées ci-dessus, il en était qui fussent le fait d'une opinion personnelle, on ne pourrait y voir que des écarts isolés, regrettables, dont il serait injuste de faire retomber la responsabilité sur la doctrine qui les répudie hautement ; mais si nous disons qu'elles peuvent être le résultat de manœuvres intéressées, c'est que notre tableau est pris sur modèles. Or, comme c'est la seule chose que le Spiritisme ait véritablement à craindre pour le moment, nous invitons tous les adeptes sincères à se tenir sur leurs gardes en évitant les pièges qu'on pourrait leur tendre. A cet effet, ils ne sauraient être trop circonspects sur les éléments à introduire dans leurs réunions, ni repousser avec trop de soin toutes les suggestions qui tendraient à en dénaturer le caractère essentiellement moral. En y maintenant l'ordre, la dignité et la gravité qui conviennent à des hommes sérieux s'occupant d'une chose sérieuse, ils en fermeront l'accès aux malintentionnés qui s'en retireront quand ils reconnaîtront n'y avoir rien à faire. Par les mêmes motifs, ils doivent décliner toute solidarité, avec les réunions formées en dehors des conditions prescrites par la saine raison et les vrais principes de la doctrine, s'ils ne peuvent les ramener dans la bonne voie.

Comme on le voit, il y a certainement une grande différence entre les faux frères et les amis maladroits, mais, sans le vouloir, le résultat peut être le même : discréditer la doctrine. La nuance qui les sépare n'est souvent que dans l'intention, ce qui fait qu'on pourrait quelquefois les confondre, et, en les voyant servir les intérêts du parti adverse, supposer qu'ils ont été gagnés par lui. La circonspection est donc, en ce moment surtout, plus nécessaire que jamais, car il ne faut pas oublier que paroles actions ou écrits inconsidérés sont exploités, et que les adversaires sont enchantés de pouvoir dire que cela vient des Spirites.

Dans cet état de choses, on comprend quelles armes la spéculation, en raison des abus auxquels elle peut donner lieu, peut offrir aux détracteurs pour appuyer leur accusation de jonglerie. Ce peut donc, dans certains cas, être un piège tendu dont il faut se défier. Or, comme il n'y a pas de jonglerie philanthropique, l'abnégation et le désintéressement absolus des médiums enlèvent aux détracteurs un de leurs plus puissants moyens de dénigrement en coupant court à toute discussion sur ce sujet.

Pousser la défiance à l'excès serait un tort grave, sans doute, mais dans un temps de lutte, et quand on connaît la tactique de l'ennemi, la prudence devient une nécessité qui n'exclut, du reste, ni la modération, ni l'observation des convenances dont on ne doit jamais se départir. On ne saurait d'ailleurs se méprendre sur le caractère du vrai Spirite ; il y a chez lui une franchise d'allures qui défie toute suspicion, quand surtout elle est corroborée par la pratique des principes de la doctrine. Que l'on élève drapeau contre drapeau, comme cherchent à le faire nos antagonistes, l'avenir de chacun est subordonné à la somme de consolation et de satisfaction morale qu'ils apportent ; un système ne peut prévaloir sur un autre qu'à la condition d'être plus logique, ce dont l'opinion publique est le souverain juge ; dans tous les cas la violence, les injures et l'acrimonie sont de mauvais antécédents et une recommandation plus mauvaise encore.

Reste à examiner les conséquences de cet état de choses. Ces menées peuvent sans contredit apporter momentanément quelques perturbations partielles, c'est pourquoi il faut les déjouer autant que possible mais elles ne sauraient préjudicier à l'avenir ; d'abord parce qu'elles n'auront qu'un temps, puisqu'elles sont une manœuvre d'opposition qui tombera par la force des choses ; en second lieu que, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, on n'ôtera jamais à la doctrine son caractère distinctif, sa philosophie rationnelle ni sa morale consolante. On aura beau la torturer et la travestir, faire parler les Esprits à son gré, ou recueillir des communications apocryphes pour jeter des contradictions à la traverse, on ne fera pas prévaloir un enseignement isolé, fût-il vrai et non supposé, contre celui qui est donné de toutes parts. Le Spiritisme se distingue de toutes les autres philosophies en ce qu'il n'est pas le produit de la conception d'un seul homme, mais d'un enseignement que chacun peut recevoir sur tous les points du globe, et tel est la consécration qu'a reçue le Livre des Esprits. Ce livre, écrit sans équivoque possible et à la portée de toutes les intelligences, sera toujours l'expression claire et exacte de la doctrine, et la transmettra intacte à ceux qui viendront après nous. Les colères qu'il excite sont un indice du rôle qu'il est appelé à jouer, et de la difficulté de lui opposer quelque chose de plus sérieux. Ce qui a fait le rapide succès de la doctrine spirite, ce sont les consolations et les espérances qu'elle donne ; tout système qui, par la négation des principes fondamentaux, tendrait à détruire la source même de ces consolations, ne saurait être accueilli avec plus de faveur.

Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes, comme nous l'avons dit, au moment de la transition, et que nulle transition ne s'opère sans conflit. Qu'on ne s'étonne donc pas de voir s'agiter les passions en jeu, les ambitions compromises, les prétentions déçues, et chacun essayer de ressaisir ce qu'il voit lui échapper en se cramponnant au passé ; mais peu à peu tout cela s'éteint, la fièvre se calme, les hommes passent, et les idées nouvelles restent. Spirites, élevez-vous par la pensée, portez vos regards à vingt ans en avant, et le présent ne vous inquiétera pas.



Mort de M. Guillaume Renaud de Lyon

Le dimanche 1er février ont eu lieu, à Lyon, les obsèques de M. Guillaume Renaud, ancien officier, médaillé de Sainte-Hélène, l'un des plus anciens et des plus fervents Spirites de cette ville, très connu parmi ses frères en croyance. Quoiqu'il professât, sur quelques points de forme que nous avons combattus, et peu importants du reste et qui ne touchaient pas au fond de la doctrine, des idées particulières qui n'étaient pas partagées par tous, il n'en était pas moins généralement aimé et estimé à cause de la bonté de son caractère et de ses éminentes qualités morales, et si nous avions été à Lyon à ce moment nous eussions été heureux de jeter quelques fleurs sur sa tombe. Qu'il reçoive ici, ainsi que sa famille et ses amis particuliers, ce témoignage de notre affectueux souvenir.

M. Renaud, homme simple et modeste, n'était guère connu hors de Lyon, et pourtant sa mort a retenti jusque dans un village de la Haute-Saône, où elle a été racontée en chaire, le dimanche 8 février, de la manière suivante :

Le vicaire de la paroisse, entretenant ses paroissiens des horreurs du Spiritisme, ajouta que « le chef des Spirites de Lyon était mort depuis trois ou quatre jours ; qu'il avait refusé les sacrements ; qu'il n'y avait eu à son enterrement que deux ou trois Spirites, sans parents ni prêtres ; que si le chef des Spirites (faisant allusion à M. Allan Kardec) venait à mourir, il le plaindrait s'il faisait comme celui de Lyon. Puis il conclut en disant qu'il ne niait rien de cette doctrine, qu'il n'affirmait rien, si ce n'est que c'est le démon qui agit contre la volonté de Dieu. »

Si nous voulions relever toutes les faussetés que l'on débite sur le Spiritisme pour essayer de donner le change sur son but et son caractère, nous en remplirions notre Revue. Comme cela ne nous inquiète guère, nous laissons dire, nous bornant à recueillir les notes qu'on nous adresse pour les utiliser ultérieurement, s'il y a lieu, dans l'histoire du Spiritisme. Dans les circonstances dont nous venons de parler, il s'agit d'un fait matériel sur lequel M. le vicaire a sans doute été mal informé, car nous ne voulons pas supposer qu'il ait voulu sciemment induire en erreur. Il eût sans doute mieux fait de mettre moins d'empressement et d'attendre des renseignements plus exacts.

Nous ajouterons que, dans cette commune, on fit, il y a peu de temps, à propos de la mort d'un des habitants, répandre le bruit – quelque mauvais plaisant sans doute – que la société des Frères frappeurs, composée de sept à huit individus de la commune, voulait faire ressusciter les morts en leur mettant sur le front, des emplâtres, faits avec une pommade préparée par la Société spirite de Paris ; que cette société des Frères frappeurs allait visiter toutes les nuits le cimetière pour faire revivre les morts. Les femmes et les jeunes gens du quartier furent effrayés au point de ne plus oser sortir de leur maison dans la crainte de rencontrer le défunt.

Il n'en fallait pas davantage pour impressionner fâcheusement quelque cerveau faible ou maladif, et si un accident fût arrivé, on se serait empressé de le mettre sur le compte du Spiritisme.

Revenons à M. Renaud. Pendant sa maladie d'inutiles efforts furent tentés pour lui faire faire une abjuration authentique de ses croyances spirites. Néanmoins, un vénérable prêtre le confessa et lui donna l'absolution. Il est vrai qu'après cela on voulut retirer le billet de confession et que l'absolution fut déclarée nulle par le clergé de Saint-Jean comme ayant été donnée inconsidérément ; c'est un cas de conscience que nous ne nous chargeons pas de résoudre. D'où cette réflexion très juste, faite dans le public, que celui qui reçoit l'absolution avant de mourir ne peut savoir si elle est valable ou non, puisque avec les meilleures intentions un prêtre peut la donner d'une manière inconsidérée. Le clergé se refusa donc obstinément à recevoir le corps à l'église, M. Renaud n'ayant voulu rétracter aucune des convictions qui lui avaient donné tant de consolations et fait supporter avec résignation les épreuves de la vie.

Par un sentiment de convenance que l'on appréciera, et en raison des personnes que nous serions forcé de désigner, nous passons sous silence les regrettables manœuvres qui furent tentées, les mensonges qui furent débités pour provoquer au désordre en cette circonstance. Nous nous bornerons à dire qu'elles furent complètement déjouées par le bon sens et la prudence des Spirites, qui ont reçu à ce sujet des preuves de la bienveillance de l'autorité. Des recommandations avaient été faites par tous les chefs de groupes de ne répondre à aucune provocation.

Sur le refus du clergé d'accorder les prières de l'Eglise, le corps fut porté directement de la maison au cimetière, suivi de près de mille personnes, parmi lesquelles se trouvaient une cinquantaine de femmes et de jeunes filles, ce qui n'est pas dans les habitudes de Lyon. Sur la tombe une prière de circonstance a été lue par un des assistants et écoutée par tout le monde, la tête découverte, dans un religieux recueillement. La foule silencieuse s'est ensuite retirée, et tout s'est terminé, comme cela avait commencé, avec l'ordre le plus parfait.

Comme contraste nous dirons que notre ancien collègue, M. Sanson, a reçu tous les sacrements avant de mourir ; qu'il a été porté à l'église, et accompagné par un prêtre au cimetière, bien qu'il eût préalablement déclaré d'une manière formelle qu'il était Spirite et ne renierait aucune de ses convictions. « Si pourtant, lui dit le prêtre, je mettais cette condition à mon absolution, que feriez-vous? – J'en serais fâché, répondit M. Sanson, mais je persisterais, car votre absolution ne vaudrait rien. – Comment cela ? Vous ne croyez donc pas à l'efficacité de l'absolution ? – Si, mais je ne crois pas à la vertu d'une absolution reçue par hypocrisie. Ecoutez-moi : le Spiritisme n'est pas seulement pour moi une croyance, un article de foi, c'est un fait aussi patent que la vie. Comment voulez-vous que je nie un fait qui m'est démontré comme le jour qui nous éclaire, à qui je dois la guérison miraculeuse de ma jambe ? Si je le faisais, ce serait des lèvres et non de cœur ; je serais parjure : vous donneriez donc l'absolution à un parjure ; je dis qu'elle ne vaudrait rien, parce que vous la donneriez à la forme et non au fond. Voilà pourquoi je préférerais m'en passer. – Mon fils, reprit le prêtre, vous êtes plus chrétien que beaucoup de ceux qui disent l'être. »

Nous tenons ces paroles de M. Sanson lui-même.

Des circonstances semblables à celles de M. Renaud pouvant se représenter, là ou ailleurs, nous espérons que tous les Spirites suivront l'exemple de ceux de Lyon, et qu'en aucun cas ils ne se départiront de la modération qui est une conséquence des principes de la doctrine, et la meilleure réponse à faire à ses détracteurs qui ne cherchent que des prétextes pour motiver leurs attaques.

M. Renaud, évoqué dans le groupe central de Lyon, trente-six heures après sa mort, donna la communication suivante :

« Je suis encore un peu embarrassé pour me communiquer, et, bien que je trouve ici des visages amis et des cœurs sympathiques, je me sens presque honteux, ou, pour mieux dire, ma pensée est un peu jeune. Oh ! madame B…, quelle différence et que de changements dans ma position ! Merci bien pour votre constante affection ; merci, madame V…, pour vos bonnes visites, pour votre accueil.

Vous me demandez et vous voulez savoir ce qui m'est arrivé depuis hier. J'ai commencé à me détacher de mon corps vers le matin ; il me semblait que je m'évaporais ; je sentais mon sang se figer dans mes veines, et je croyais que j'allais m'évanouir ; peu à peu, j'ai perdu la perception des idées et je me suis endormi avec une certaine douleur compressive ; puis, je me suis éveillé, et alors j'ai vu tout autour de moi des Esprits qui m'entouraient, qui me fêtaient ; là j'ai eu un peu de confusion : je ne distinguais pas bien les morts et les vivants ; les larmes et les joies ont un peu troublé ma tête, et de tous côtés je m'entendais appeler, comme on m'appelle encore en ce moment. Oui, grâce aux vrais amis qui m'ont protégé, évoqué et encouragé dans ce dur passage, car il y a souffrance dans ce détachement, et ce n'est pas sans une douleur assez vive que l'Esprit quitte le corps, je comprends le cri d'arrivée, je m'explique le soupir du départ. J'ai déjà été évoqué plusieurs fois, et puis je suis fatigué comme un voyageur qui a passé la nuit.

Avant de partir, voulez-vous me permettre de revenir et de vous serrer la main à tous ?

G. Renaud. »

M. Renaud a été évoqué à la Société de Paris ; le défaut d'espace nous oblige à en ajourner la publication.

Réponse de la Société spirite de Paris sur les questions religieuses Extrait du procès-verbal de la séance du 13 février 1863
Il est donné communication d'une lettre adressée de Tonnay-Charente (Charente-Inférieure), à M. Allan Kardec, contenant les réponses dictées à un médium de cette ville sur les questions les plus délicates des dogmes de l'Église. Ces questions, adressées à l'Esprit de Jésus, fils de Dieu, évoqué à cet effet, sont les suivantes :

1° L'enfer est-il éternel ?

2° Veuillez mettre à la portée de mon intelligence l'explication que je vous ai demandée sur la cène qui a précédé votre Passion ?

3° Pourquoi votre Passion s'est-elle accomplie ?

4° Que dois-je penser de la communion ? Etes-vous dans l'hostie, mon Jésus?

5° Le pouvoir temporel, qu'a-t-il de commun avec le pouvoir spirituel pour n'en pouvoir être séparé ?

6° Qu'est-ce que l'amour a de si précieux pour être dans le cœur de tous les hommes ?

7° Qu'est-ce que l'histoire sacrée, et qui l'a faite ?

8° Que veut-on dire par ces paroles : histoire sacrée ?

L'auteur de la lettre demande que la Société se prononce en séance solennelle sur la valeur des réponses qu'il a obtenues, et sur l'authenticité du nom de l'Esprit qui les a données.

Le comité, après avoir examiné la question, propose la résolution suivante, dont il est donné lecture à la Société, qui l'approuve chaleureusement, à l'unanimité, et en demande l'insertion dans la Revue spirite pour l'instruction de tout le monde, et afin que l'on comprenne l'inutilité d'adresser à l'avenir des questions sur de pareils sujets.

Si l'auteur se fût borné à la première question, il suffirait de le renvoyer au Livre des Esprits, où elle est traitée. Du reste, la question est mal posée ; on ne sait s'il entend l'éternité d'un lieu d'expiation, ou celle des peines infligées à chaque individu.

Décision prise par la Société spirite de Paris sur les questions proposées par M. …, de Tonnay Charente, dans sa séance du 13 février 1863.

La Société spirite de Paris, après avoir pris connaissance de la lettre de M. …, et des questions sur lesquelles il désire qu'elle se prononce dans une séance solennelle, croit devoir rappeler à l'auteur de cette lettre que le but essentiel du Spiritisme est la destruction des idées matérialistes, et l'amélioration morale de l'homme ; qu'il ne s'occupe nullement de discuter les dogmes particuliers de chaque culte, laissant leur appréciation à la conscience de chacun ; que ce serait méconnaître ce but que d'en faire l'instrument d'une controverse religieuse dont l'effet serait de perpétuer un antagonisme qu'il tend à faire disparaître, en appelant tous les hommes sous le drapeau de la charité, et en les amenant à ne voir dans leurs semblables que des frères quelles que soient leurs croyances. S'il est, dans certaines religions des dogmes controversables, il faut laisser au temps et au progrès des lumières le soin de leur épuration ; le danger des erreurs qu'ils pourraient renfermer disparaîtra à mesure que les hommes feront du principe de la charité la base de leur conduite. Le devoir des vrais Spirites, de ceux qui comprennent le but providentiel de la doctrine, est donc, avant tout, de s'attacher à combattre l'incrédulité et l'égoïsme, qui sont les véritables plaies de l'humanité, et à faire prévaloir, autant par l'exemple que par la théorie, le sentiment de la charité, qui doit être la base de toute religion rationnelle, et servir de guide dans les réformes sociales ; les questions de fond doivent passer avant les questions de formes ; or, les questions de fond sont celles qui ont pour objet de rendre les hommes meilleurs, attendu que tout progrès social ou autre ne peut être que la conséquence de l'amélioration des masses ; c'est à cela que tend le Spiritisme, et par là il prépare les voies à tous les genres de progrès moraux. Vouloir agir autrement, c'est commencer un édifice par le faîte avant d'en asseoir les fondements ; c'est semer sur un terrain avant de l'avoir défriché.

Comme application des principes ci-dessus, la Société spirite de Paris s'est interdit par son règlement toutes les questions de controverses religieuses, de politique et d'économie sociale, et elle ne cèdera à aucune incitation qui tendrait à la faire dévier de cette ligne de conduite.

Par ces motifs, elle ne saurait émettre ni officiellement, ni officieusement d'opinions sur la valeur des réponses dictées au médium de M. …, ces réponses étant essentiellement dogmatiques, et même politiques, et encore moins en faire l'objet d'une discussion solennelle, ainsi que le demande l'auteur de la lettre.

Quant au livre devant traiter ces questions, et dont la publication est prescrite par l'Esprit qui l'a dicté, la Société n'hésite pas à déclarer qu'elle regarderait cette publication comme inopportune et dangereuse, en ce qu'elle ne pourrait que fournir des armes aux ennemis du Spiritisme ; elle croirait, en conséquence, de son devoir de la désavouer, comme elle désavoue toute publication propre à fausser l'opinion sur le but et les tendances de la doctrine.

En ce qui concerne la nature de l'Esprit qui a dicté ces communications, la Société croit devoir rappeler que le nom que prend un Esprit n'est jamais une garantie de son identité ; qu'on ne saurait voir une preuve de sa supériorité dans quelques idées justes qu'il émettrait, si avec ces idées il s'en trouve de fausses. Les Esprits vraiment supérieurs sont logiques et conséquents dans tout ce qu'ils disent ; or, ce n'est pas le cas de celui dont il s'agit ; sa prétention de croire que ce livre doit avoir pour conséquence d'engager le gouvernement à modifier certaines parties de sa politique, suffirait pour faire douter de son élévation et encore mieux du nom qu'il prend, parce que cela n'est pas rationnel. Son insuffisance ressort encore de deux autres faits non moins caractéristiques.

Le premier est qu'il est complètement faux que M. Allan Kardec ait reçu mission, ainsi que le prétend l'Esprit, d'examiner et de faire publier le livre dont il s'agit ; s'il a mission de l'examiner, ce ne peut être que pour en faire sentir les inconvénients et en combattre la publication.

Le second fait est dans la manière dont l'Esprit exalte la mission du médium, ce que ne font jamais les bons Esprits, et ce que font, au contraire, ceux qui veulent s'imposer en captant la confiance par quelques belles paroles, à l'aide desquelles ils espèrent faire passer le reste.

En résumé, il demeure évident pour la Société que le nom dont se pare l'Esprit, qui dit être le Christ, est apocryphe ; elle croit devoir engager l'auteur de la lettre ainsi que son médium à ne pas se faire illusion sur ces communications, et à se renfermer dans le but essentiel du Spiritisme.

François-Simon Louvet, du Havre

La communication suivante a été donnée spontanément dans une réunion spirite, au Havre, le 12 février 1863 :

« Auriez-vous pitié d'un pauvre misérable qui souffre depuis si longtemps de si cruelles tortures ! Oh ! le vide… l'espace… je tombe, je tombe, au secours ! Mon Dieu, j'ai eu une si misérable vie !… J'étais un pauvre diable, je souffrais souvent la faim dans mes vieux jours ; c'est pour cela que je m'étais mis à boire et j'avais honte et dégoût de tout… J'ai voulu mourir et je me suis jeté… Oh ! mon Dieu, quel moment !… Pourquoi donc désirer d'en finir quand j'étais si près du terme ? Priez ! pour que je ne voie plus toujours un vide au-dessous de moi… Je vais me briser sur ces pierres. Je vous en conjure, vous qui avez connaissance des misères de ceux qui ne sont plus ici-bas, je m'adresse à vous, quoique vous ne me connaissiez pas, parce que je souffre tant… Pourquoi vouloir avoir des preuves ? Je souffre, n'est-ce pas assez ? Si j'avais faim au lieu de cette souffrance plus terrible, mais invisible pour vous, vous n'hésiteriez pas à me soulager en me donnant un morceau de pain. Je vous demande de prier pour moi. Je ne puis rester davantage. Demandez à un de ces heureux qui sont ici, et vous saurez qui j'étais. Priez pour moi. »

François-Simon Louvet.



Aussitôt, à la suite de cette communication, l'Esprit protecteur du médium dit : « Celui qui vient de s'adresser à toi, mon enfant, est un pauvre malheureux qui avait une épreuve de misère sur la terre, mais le dégoût l'a pris, le courage lui a failli, et l'infortuné, au lieu de regarder en haut ainsi qu'il aurait dû le faire, s'est adonné à l'ivrognerie, est descendu aux dernières limites du désespoir, et a mis un terme à sa triste épreuve en se jetant de la tour de François Ier, le 22 juillet 1857. Ayez pitié de sa pauvre âme, qui n'est pas avancée, mais qui a cependant assez de connaissance de la vie future pour souffrir et désirer une nouvelle épreuve. Priez Dieu de lui accorder cette grâce, et vous ferez une bonne œuvre. Je suis heureux de vous voir réunis, mes chers enfants ; je suis avec vous lorsque vous vous réunissez ainsi. Je suis toujours prêt à vous donner mes enseignements ; si un bon Esprit ne pouvait se communiquer à vous par manque de rapports physiques, je serais son intermédiaire ; mais vous êtes entourés de bons Esprits, et je les laisse vous instruire. Persévérez dans la voie du Seigneur et vous serez bénis. Prenez patience dans les épreuves, ne vous rebutez pas de faire le bien par l'ingratitude des hommes. Bientôt les hommes seront meilleurs et les temps en sont proches. Adieu, mes bien aimés, je vous suis en tous vos chagrins comme dans vos joies. La paix soit sur vous. »

Ton Esprit protecteur.



Des recherches ayant été faites, on trouva dans le Journal du Havre du 23 juillet 1857 l'article suivant, dont voici la substance :

« Hier à quatre heures, les promeneurs de la jetée ont été douloureusement impressionnés par un affreux accident : un homme s'est élancé de la tour et est venu se briser sur les pierres. C'est un vieux haleur, que ses penchants à l'ivrognerie ont conduit au suicide. Il se nomme François-Victor-Simon Louvet. Son corps a été transporté chez une de ses filles, rue de la Corderie, et il était âgé de soixante-sept ans. »

Remarque. Un incrédule, à qui ce fait médianimique était rapporté comme preuve de la réalité des communications d'outre-tombe, répondit : « Mais qui sait si le médium n'avait pas connaissance du Journal du Havre, et s'il n'a pas bâti son roman sur cette anecdote ? » La supercherie, comme on le voit, est toujours le dernier retranchement des négateurs quand ils ne peuvent se rendre compte d'un fait dont l'évidence matérielle ne peut être révoquée en doute ; avec eux, il ne suffit même pas de leur montrer qu'on n'a rien dans les mains, rien dans les poches, car, disent-ils, les escamoteurs en font autant, et cependant ils défient la perspicacité de l'observateur.

A cela, nous demanderons à notre tour quel intérêt pouvait avoir le médium à jouer la comédie ? On ne peut même pas ici supposer un intérêt d'amour-propre dans une chose qui se passe dans l'intimité de la famille, alors qu'on ne tromperait que soi-même et les siens. D'ailleurs, lorsqu'on veut s'amuser, on ne prend pas des sujets de cette nature, fort peu récréatifs, et il n'est pas admissible qu'une jeune femme pieuse mêle le nom de Dieu à une grossière plaisanterie. Le désintéressement absolu et l'honorabilité de la personne sont les meilleures garanties de sincérité et la réponse la plus péremptoire à faire en pareil cas.

Nous ferons en outre remarquer le châtiment infligé à ce suicidé. Depuis tantôt six ans qu'il est mort, il se voit toujours tombant de la tour et allant se briser sur les pierres ; il s'épouvante du vide qu'il a devant lui ; et cela depuis six ans ! Combien cela durera-t-il ? il n'en sait rien, et cette incertitude augmente ses angoisses. Cela ne vaut-il pas l'enfer et ses flammes ? Qui nous a révélé ces châtiments ? les avons-nous inventés ? Non ; ce sont ceux mêmes qui les endurent qui viennent les décrire, comme d'autres décrivent leurs joies.

Entretiens d'outre-tombe - Clara Rivier. Société spirite de Paris, 23 Janvier 1863. – Médium, M. Leymarie

M. J… médecin à …, (Gard), nous transmet le fait suivant :

« Une famille de laboureurs, mes voisins de campagne, avaient une jeune fille de dix ans, nommée Clara, complètement infirme depuis quatre ans. Pendant toute sa vie elle n'a jamais fait entendre une seule plainte, ni donné un seul signe d'impatience ; quoique dépourvue d'instruction, elle consolait sa famille affligée en l'entretenant de la vie future et du bonheur qu'elle devait y trouver. Elle est morte en septembre 1862, après quatre jours de tortures et de convulsions, pendant lesquelles elle n'a pas cessé de prier Dieu. « Je ne crains pas la mort, disait-elle puisqu'une vie de bonheur m'est réservée après. » Elle disait à son père, qui pleurait : « Console-toi ; je reviendrai te visiter ; mon heure est proche, je le sens ; mais quand elle arrivera, je le saurai et te préviendrai d'avance. » En effet, lorsque le moment fatal fut sur le point de s'accomplir, elle appela tous les siens en disant : « Je n'ai plus que cinq minutes à vivre ; donnez-moi vos mains. » Et elle expira comme elle l'avait annoncé.

Depuis lors, un Esprit frappeur est venu visiter la maison des époux Rivier, où il bouleverse tout ; il frappe la table, comme s'il avait une massue ; il agite les draperies et les rideaux, remue la vaisselle et joue aux boules dans les greniers. Cet Esprit apparaît sous la forme de Clara à la jeune sœur de celle-ci, qui n'a que cinq ans. D'après cette enfant, sa sœur lui a souvent parlé, et ce qui exclut tout sentiment d'incertitude à cet égard, c'est que les apparitions lui font pousser des cris de joie, ou des lamentations si l'on ne fait pas de suite ce qu'elle désire, c'est-à-dire éteindre le feu et toutes les lumières dans la chambre où a lieu la vision, pendant laquelle l'enfant ne cesse de dire : « Mais voyez donc comme Clara est jolie ! »

« Le père Rivier désirant savoir ce que voulait Clara, celle-ci demanda qu'on lui rendit les cheveux qu'on lui avait coupés, selon l'usage du pays ; mais, bien que les parents aient satisfait à ce désir en portant ses cheveux sur sa tombe, l'Esprit a continué ses visites et son tapage, dont j'ai été témoin moi-même, au point que les voisins et les amis s'en sont émus. J'ai alors fait la morale aux parents en leur demandant s'ils n'avaient rien à se reprocher envers quelqu'un, ou commis quelque action déloyale ; qu'il était probable que l'Esprit les tourmenterait tant qu'ils n'auraient pas réparés leurs fautes, et que je leur conseillais d'y aviser sérieusement.

Pendant une absence de dix jours que j'ai été forcé de faire, l'obsession a pris un caractère plus violent, au point que Rivier a eu à subir des luttes corps à corps et a été renversé sur le sol. La frayeur s'est emparée de ces malheureux, et ils sont allés consulter un médium qui leur a conseillé de faire une aumône générale à tous les pauvres du pays, aumône qui a duré deux jours. Je vous en ferai connaître le résultat ; en attendant, je serai bien heureux de recevoir vos conseils à ce sujet. »



1. Évocation de Clara Rivier. – R. Je suis près de vous, disposée à répondre.

2. D'où vous venaient, quoique si jeune et sans instruction, les idées élevées que vous exprimiez sur la vie future avant votre mort ? – R. Du peu de temps que j'avais à passer sur votre globe et de ma précédente incarnation. J'étais médium lorsque je quittai la terre, et j'étais médium en revenant parmi vous. C'était une prédestination ; je sentais et je voyais ce que je disais.

3. Comment se fait-il qu'une enfant de votre âge n'ait poussé aucune plainte pendant quatre années de souffrances ? – R. Parce que la souffrance physique était maîtrisée par une puissance plus grande, celle de mon ange gardien, que je voyais continuellement près de moi ; il savait alléger tout ce que je ressentais ; il rendait ma volonté plus forte que la douleur.

4. Comment avez-vous été prévenue de l'instant de votre mort ? – R. Mon ange gardien me le disait ; jamais il ne m'a trompée.

5. Vous avez dit à votre père : « Console-toi, je viendrai te visiter. » Comment se fait-il qu'animée d'aussi bons sentiments pour vos parents, vous veniez les tourmenter après votre mort, en faisant du tapage chez eux ? – R. J'ai sans doute une épreuve, ou plutôt une mission à remplir. Si je viens revoir mes parents, croyez-vous que ce soit pour rien ? Ces bruits, ce trouble, ces luttes amenées par ma présence sont un avertissement. Je suis aidée par d'autres Esprits dont la turbulence a une portée, comme j'ai la mienne en apparaissant à ma sœur. Grâce à nous, bien des convictions vont naître. Mes parents avaient une épreuve à subir ; elle cessera bientôt, mais seulement après avoir porté la conviction dans une foule d'esprits.

6. Ainsi ce n'est pas vous personnellement qui causez ce trouble ? – R. Je suis aidée par d'autres Esprits qui servent à l'épreuve réservée à mes chers parents.

7. Comment se fait-il que votre sœur vous ait reconnue, si ce n'est pas vous qui produisez ces manifestations ? – R. Ma sœur n'a vu que moi. Elle possède maintenant une seconde vue, et ce n'est pas la dernière fois que ma présence viendra la consoler et l'encourager.

8. L'aumône générale qui a été conseillée à vos parents aura-t-elle pour effet de faire cesser cette obsession ? – R. L'obsession finira quand le temps voulu pour cela sera arrivé ; mais, croyez-le, la prière et la foi donnent une grande force pour maîtriser l'obsession ; l'aumône est elle-même une prière ; elle sert à consoler, et par là nous aide à porter la conviction dans bien des cœurs ; c'est par la foi que nous devons relever et sauver toute une population ; qu'importe si les ennemis du Spiritisme crient au démon ! Ce cri a de tout temps poussé à le connaître, et pour un qui fléchit, il y en a cent que la curiosité entraîne à étudier. L'obsession et la subjugation sont, il est vrai, des épreuves pour celui qui en est l'objet, mais en même temps c'est une route ouverte aux convictions nouvelles. Ces faits forcent à parler des Esprits, dont on ne peut nier l'existence en voyant ce qu'ils font.



Remarque. Il parait évident que, dans cette circonstance, l'aumône conseillée aux époux Rivier était à la fois une épreuve pour eux, plus ou moins profitable selon la manière dont elle aura été faite, et un moyen d'appeler l'attention d'un plus grand nombre de personnes sur ces phénomènes. C'est un moyen de prouver que le Spiritisme n'est pas l'œuvre du démon puisqu'il conseille le bien et la charité pour combattre ce qu'on appelle les démons. Que peuvent les adversaires du Spiritisme contre des manifestations de ce genre? On peut défendre de s'occuper des Esprits, mais on ne peut empêcher les Esprits de venir, et la preuve en est, c'est que ces manifestations se produisent dans les maisons même où l'on ne cherche certes pas à les provoquer, et qui, par leur réputation de sainteté, sembleraient devoir les défier, si c'était le diable. Contre des faits il n'y a ni opposition ni négation qui puissent prévaloir : d'où il faut conclure que le Spiritisme doit suivre son cours.



9. Pourquoi, si jeune, avez-vous été affligée de tant d'infirmités ? – R. J'avais des fautes antérieures à expier ; j'avais mésusé de la santé et de la position brillante dont je jouissais dans ma précédente incarnation ; alors Dieu m'a dit : « Tu as joui grandement, démesurément, tu souffriras de même ; tu étais orgueilleuse, tu seras humble ; tu étais fière de ta beauté et tu seras brisée ; au lieu de la vanité tu t'efforceras d'acquérir la charité et la bonté. » J'ai fait selon la volonté de Dieu, et mon ange gardien m'a aidée.

10. Voudriez-vous faire dire quelque chose à vos parents ? – R. A la demande d'un médium, mes parents ont fait beaucoup de charité ; ils ont eu raison de ne pas toujours prier des lèvres : il faut le faire de la main et du cœur. Donner à ceux qui souffrent, c'est prier, c'est être Spirite.

Dieu a donné à toutes les âmes le libre arbitre, c'est-à-dire la faculté de progresser ; à toutes il a donné la même aspiration, et c'est pour cela que la robe de bure touche de plus près la robe brochée d'or qu'on ne le pense généralement. Aussi, rapprochez les distances par la charité ; introduisez le pauvre chez vous, encouragez-le, relevez-le, ne l'humiliez pas. Si l'on savait pratiquer partout cette grande loi de la conscience, on n'aurait pas, à des époques déterminées, ces grandes misères qui déshonorent les peuples civilisés, et que Dieu envoie pour les châtier et pour leur ouvrir les yeux.

Chers parents, priez Dieu ; aimez-vous ; pratiquez la loi du Christ : ne pas faire aux autres ce que vous ne voudriez pas qui vous fût fait ; implorez Dieu qui vous éprouve, en vous montrant que sa volonté est sainte et grande comme lui. Sachez, en prévision de l'avenir, vous armer de courage et de persévérance, car vous êtes appelés encore à souffrir ; il faut savoir mériter une bonne position dans un monde meilleur, où la compréhension de la justice divine devient la punition des mauvais Esprits.

Je serai toujours près de vous, chers parents. Adieu, ou plutôt au revoir. Ayez la résignation, la charité, l'amour de vos semblables, et vous serez heureux un jour.

Clara.



Remarques. – C'est une belle pensée que celle-ci : « La robe de bure touche de plus près qu'on ne croit à la robe brochée d'or. » C'est une allusion aux Esprits qui, d'une existence à l'autre, passent d'une position brillante à une position humble ou misérable, car souvent ils expient dans un milieu infime l'abus qu'ils ont fait des dons que Dieu leur avait accordés. C'est une justice que tout le monde comprend.

Une autre pensée, non moins profonde, est celle qui attribue les calamités des peuples à l'infraction à la loi de Dieu, car Dieu châtie les peuples comme il châtie les individus. Il est certain que s'ils pratiquaient la loi de charité, il n'y aurait ni guerres, ni grandes misères. C'est à la pratique de cette loi que conduit le spiritisme ; serait-ce donc pour cela qu'il rencontre des ennemis si acharnés ? Les paroles de cette jeune fille à ses parents, sont-elles celles d'un démon ?

Photographie des Esprits

Le Courrier du Bas-Rhin du samedi 3 janvier 1863 (partie allemande) contient l'article suivant, sous le titre de Photographie spectrale :

« Les Américains, qui nous devancent en bien des choses, nous surpassent certainement dans l'art de la photographie et l'évocation des Esprits. A Boston, non seulement aujourd'hui les défunts sont appelés par des médiums, mais ils sont encore photographiés. On doit cette découverte merveilleuse à un sieur William Mumler, de Boston.

Il y a quelque temps, c'est lui-même qui le raconte, j'essayais dans mon laboratoire un nouvel appareil de photographie en faisant ma propre photographie ; soudain, je sentis une certaine pression s'exercer sur mon bras droit, et une lassitude générale dans tout le corps. Mais qui décrirait mon étonnement lorsque je vis mon portrait reproduit, et que je trouvai à sa droite l'image d'une deuxième personne, qui n'était autre que ma cousine défunte ? La ressemblance du portrait, au dire de ceux qui connaissaient cette dame, ne laisse rien à désirer.

La suite en est que M. Mumler, depuis cette époque, ne donne plus à ses clients, non seulement que des séances spiritualistes, mais exécute encore pour eux les photographies des défunts évoqués. Elles sont ordinairement un peu ternes et nuageuses, et les traits assez difficiles à reconnaître, ce qui n'empêche pas les habitants de Boston, éclairés, de les déclarer vraies, authentiques. Qui regarderait de si près pour des images spectrales ! »

Une pareille découverte, si elle était réelle, aurait assurément des conséquences immenses, et serait un des faits de manifestations les plus remarquables ; nous engageons toutefois à l'accueillir avec une prudente réserve ; les Américains qui, au dire de l'auteur, nous surpassent en tant de choses, nous ont appris qu'ils nous distancent aussi de beaucoup dans l'invention des canards.

Pour quiconque connaît les propriétés du périsprit, la chose, au premier abord, ne paraît pas matériellement impossible ; on voit surgir tant de choses extraordinaires qu'il ne faudrait s'étonner de rien. Les Esprits nous ont annoncé des manifestations d'un nouvel ordre, plus surprenantes encore que celles qu'on a vues ; celle-ci serait incontestablement de ce nombre ; mais, encore une fois, jusqu'à constatation plus authentique qu'un récit de journal, il est prudent de rester dans le doute. Si la chose est vraie, elle se vulgarisera ; en attendant, il faut se garder de donner créance à tous les récits merveilleux que les ennemis même du Spiritisme se plaisent à répandre pour le rendre ridicule ainsi que ceux qui les acceptent trop facilement. Il faut, en outre, y regarder à plus de deux fois avant d'attribuer aux Esprits tous les phénomènes insolites qu'on ne peut expliquer ; un examen attentif y montre, le plus souvent, une cause toute matérielle qu'on n'avait pas aperçue. C'est une recommandation expresse que nous faisons dans le Livre des Médiums.

A l'appui de ce que nous venons de dire, et à propos de la photographie spirite, nous citerons l'article suivant tiré de la Patrie du 23 février 1863. Il ne peut que mettre en garde contre les jugements précipités.

« Un jeune lord, qui porte un des noms les plus anciens et les plus illustres de la chambre haute, et dont le goût passionné pour la photographie vaut de grands et d'heureux succès à cet art qui, peut-être, est encore une science plutôt qu'un art, un jeune lord, dis-je, venait de perdre sa sœur qu'il aimait d'une extrême tendresse. Frappé au cœur et jeté dans le profond découragement que trop souvent produit le chagrin, il laissa là ses appareils photographiques, quitta l'Angleterre, fit un long voyage sur le continent, et ne rentra dans sa résidence presque royale du Lancashire qu'après une absence de près de quatre ans.

Son désespoir, comme il arrive d'ordinaire, était passé de l'état aigu à l'état chronique, c'est-à-dire que, sans avoir perdu de son intensité, il avait perdu de sa violence, et qu'il se transformait peu à peu en une morne résignation.

Quand ceux qui souffrent cherchent des consolations, ils s'adressent d'abord à Dieu, et ensuite au travail. Le jeune lord reprit donc peu à peu le chemin de son laboratoire, et revint à ses appareils de photographie.

Par une sorte de transaction avec sa douleur, la première image qu'il songea à faire dessiner par la lumière fut l'intérieur de la chapelle où reposait la dépouille mortelle de sa sœur. Le négatif obtenu, il rentra dans son laboratoire, fit subir à la plaque de verre les préparations ordinaires, et exposa le cliché à la lumière pour en obtenir une épreuve.

En jetant les yeux sur cette épreuve, il faillit tomber évanoui. L'intérieur de la chapelle était venu avec une grande netteté de dessin, mais la tête de la jeune miss défunte apparaissait vaguement dans la partie la moins éclairée de la photographie. On distinguait parfaitement ses traits doux et charmants, et même les longues draperies de ses vêtements ; cependant, à travers ces draperies les moindres détails de la chapelle s'accusaient nettement.

Le premier mouvement du lord fut de croire à une apparition, mais bientôt il sourit tristement en secouant la tête. En effet, il se rappelait que quelques années auparavant, sur cette même plaque de verre, il avait fait un portrait photographique de sa sœur. Ce portrait, n'ayant point réussi, il l'avait effacé, et sans doute mal effacé, puisque ses contours vagues se confondaient aujourd'hui avec la nouvelle image imposée sur la plaque.

En Angleterre, quelques artistes exploitent cette application bizarre de la photographie ; ils fabriquent et vendent des images doubles dont les bizarres accouplements produisent des effets étranges ou plaisants. On nous a montré entre autres un château en ruines au-dessous duquel transparaissaient son parc, ses façades et ses tourelles, tels qu'ils devaient exister avant sa destruction.

On fait encore des portraits de vieillards, à travers desquels on leur figure telle qu'elle était au plus beau temps de la jeunesse. »





Variétés

L'Akhbar, journal d'Alger, du 10 février 1863, contient l'article suivant :

« Mgr l'évêque d'Alger vient de publier, pour le carême de 1863, une instruction pastorale où il est question du Spiritisme, ce sujet fort à l'ordre du jour, sur lequel le clergé d'Afrique avait gardé jusqu'ici le silence. Voici les passages qui y sont relatifs ;

« C'est le démon qui dicte à des philosophes renommés ces doctrines malsaines de deux principes égaux, le bien et le mal, gouvernant avec la même autorité, mais dans un sens opposé : l'esprit et la matière ; du matérialisme qui rapporte tout au corps et ne connaît plus rien après la tombe ; du scepticisme, qui doute de tout ; du fatalisme, qui excuse tout, en niant la liberté et la responsabilité humaine ; de la métempsycose, de la magie et de l'évocation des Esprits, tristes et honteux systèmes que des intelligences dévoyées cherchent à faire revivre de nos jours… (Page 21.)

Quelle histoire lamentable ne ferait-on pas des entreprises diaboliques, à dater du cénacle, en partant de la synagogue et des jongleries de Simon le magicien, pour arriver, à travers les persécutions, les schismes, les hérésies et les incrédulités de toute nature, au Spiritisme de nos jours, si sottement renouvelé d'un paganisme antérieur à Moïse et par lui justement flétri comme une abomination devant Dieu. » (Page 24.)

Ceux qui aiment à entendre les deux parties, dans toute question en litige, ont entière facilité de le faire, car le Spiritisme théorique et pratique est amplement expliqué dans le Livre des Esprits et le Livre des Médiums, deux ouvrages qui se trouvent dans toutes les librairies d'Alger. Si l'on veut même pousser ses études plus loin, on peut ajouter à cette petite bibliothèque la Revue spirite, par Allan Kardec. C'est, il nous semble, le meilleur moyen de s'assurer si le Spiritisme est, en effet, une œuvre du démon ; ou si, au contraire, c'est une révélation sous une forme nouvelle, comme le prétendent ses adeptes. »

Ariel.



M. Home est venu à Paris, où il n'est resté que peu de jours. On nous demande de divers côtés des renseignements sur les phénomènes extraordinaires qu'il aurait produits devant d'augustes personnages, et dont quelques journaux ont parlé vaguement. Ces choses s'étant passées dans l'intimité, il ne nous appartient pas de révéler ce qui n'a aucun caractère officiel, et encore moins d'y mêler certains noms. Nous dirons seulement que les détracteurs ont exploité cette circonstance, comme beaucoup d'autres, pour essayer de jeter le ridicule sur le Spiritisme par des récits absurdes, sans respect ni pour les personnes, ni pour les choses. Nous ajouterons que le séjour de M. Home à Paris, aussi bien que la qualité des maisons où il a été reçu, est un démenti formel donné aux infâmes calomnies d'après lesquelles il aurait été expulsé de Paris, comme dans le temps, pendant une absence qu'il fit, on avait fait courir le bruit qu'il était enfermé à Mazas pour causes graves, alors qu'il était tranquillement à Naples pour sa santé. Calomnie ! toujours la calomnie ! Il est bien temps que les Esprits viennent en purger la terre.

Nous renvoyons nos lecteurs aux articles détaillés que nous avons publiés sur M. Home et ses manifestations dans les numéros de février, mars et avril 1858 de la Revue spirite.



Un article publié dans le Monde illustré sur les soi-disant médiums américains, M. et madame Girroodd, a également motivé plusieurs demandes de renseignements. Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons dit à ce sujet dans la Revue spirite de 1862, numéro de février, page 52, sinon que nous avons vu par nous-même, et qu'on voit chez Robert Houdin des choses non moins inexplicables quand on ne connaît pas la ficelle. Aucun Spirite ou magnétiseur, connaissant les conditions normales dans lesquelles se produisent les phénomènes, ne peut prendre ces choses au sérieux, ni perdre son temps à les discuter sérieusement.

Certains adversaires maladroits ont voulu exploiter ces tours d'adresse contre les phénomènes Spirites, en disant que, puisqu'ils peuvent être imités, c'est qu'ils n'existent pas, et que tous les médiums, à commencer par M. Home, sont d'habiles prestidigitateurs. Ils ne font pas attention qu'ils donnent à l'incrédulité des armes contre eux-mêmes, puisqu'on pourrait retourner l'argument contre la plupart des miracles. Sans relever ce qu'il y a d'illogique dans cette conclusion, et sans discuter à nouveau ces phénomènes, nous dirons simplement qu'il y a entre les prestidigitateurs et les médiums la différence du gain au désintéressement, de l'imitation à la réalité, de la fleur artificielle à la fleur naturelle. Nous ne pouvons pas plus empêcher un escamoteur de se dire médium que de se dire physicien. Nous n'avons à prendre la défense d'aucune exploitation de ce genre, et nous la livrons à la critique.





Poésies spirites

Pourquoi se plaindre? (Groupe spirite de Pau. – Médium, M. T…)

Dieu créa l'homme actif, intelligent et libre,

Et le fit l'artisan de son propre destin.

Il ouvrit devant lui deux routes qu'il peut suivre :

L'une va vers le mal et l'autre vers le bien.

La première des deux est douce en apparence ;

Pour la suivre, il ne faut aucun pénible effort :

Sans étude ni soins, vivre dans l'indolence,

A ses instincts brutaux laisser un libre essor,

Voilà tout ce qu'il faut. – La seconde, au contraire,

Veut de constants efforts, un travail soutenu,

Et les soins vigilants, et la recherche austère,

La raison dégagée et l'instinct contenu.

L'homme, libre en son choix, peut prendre la première,

Croupir dans l'ignorance et l'immoralité ;

Préférer au devoir la passion grossière,

A la raison, l'instinct et la brutalité.

Ou bien il peut, prêtant une oreille docile

A la voix qui lui dit : « Tu fus fait pour grandir,

Pour progresser et non pour rester immobile, »

Dans la seconde entrer plein d'un noble désir.

Selon qu'il se décide il voit sa destinée

Sombre se dérouler sous son oeil éperdu,

Ou bien lui souriant comme la fiancée

Sourit à l'homme heureux à qui son cœur est dû.

Si vous faites le mal, vous pourrez en ce monde

La richesse acquérir, les titres, les honneurs ;

Mais le calme de l'âme, et cette joie profonde

Qui naît des saints désirs et réjouit les cœurs

S'enfuiront pour toujours ; et du remords, poignante,

Vous poursuivra la voix au milieu des festins,

Mêlant pour les troubler sa note discordante

A vos chants de triomphe, à vos joyeux refrains.

Puis, quand aura sonné pour vous l'heure fatale,

Quand l'Esprit dégagé du corps qui l'enfermait

Rentrera de nouveau dans la sphère morale

Où la vérité luit et l'erreur disparaît,

Où le sophisme impur, la lâche hypocrisie

Ne trouvent point d'accès, où tout est lumineux,

Fantôme accusateur, votre coupable vie

Surgira devant vous pour vous suivre en tous lieux.

Vos crimes deviendront vos bourreaux, et vous, riche,

Vous vous sentirez nu ; puissant, abandonné ;

Vous fuirez effaré, tremblant comme la biche

Fuit devant le chasseur à sa perte acharné.

Peut-être qu'ivre alors d'orgueil et de souffrance,

Vers Dieu vous pousserez un cri blasphémateur,

L'accusant de vos maux ; mais votre conscience

Puissante élèvera cet autre cri vengeur :

« Cesse de blasphémer, homme, dans ta démence.

Quand Dieu te créa libre, actif, intelligent,

Pour toi seul dans le monde il borna sa puissance,

Et de ton propre sort il te fit l'artisan.

Ta volonté suffit pour transformer en joie

Le mal que tu ressens. Contemple, radieux,

Celui qui du devoir suivit la sainte voie,

Qui lutta, qui vainquit, et qui conquit les cieux.

Pour prix du même effort, la même récompense

T'attend. – Pourquoi te plaindre alors ? Ravise-toi.

De ce Dieu juste et bon implore l'assistance ;

Travaille, lutte, prie, et le ciel est à toi. »


Un Esprit protecteur.


Remarque. – Nous passons condamnation sur quelques irrégularités de versification en faveur des pensées.

La mère et l'enfant (Société spirite de Bordeaux, 6 juillet 1862. – Médium, M. Ricard.)

Dans un Berceau reposait un bel ange

Tout rose et blanc, qu'en chantant on berçait ;

Sa jeune mère, au doux regard d'Archange,

Ivre d'amour sur cet enfant veillait !…

Oh ! qu'il est beau ce fils de mes tendresses !…

Dors, cher enfant, ta mère est près de toi…

A ton réveil tes premières caresses

Et tes baisers, ami, seront pour moi !…

Oh ! qu'il est beau !… Mon Dieu, prenez ma vie

Si vous devez m'enlever cet enfant…

Gardez-le-moi, Seigneur, je vous en prie !…

Déjà sa bouche a murmuré : Maman ! ! !…

Ce mot si doux… ce mot que l'on épie,

Comme au printemps un rayon de soleil…

Ce mot d'amour dont la douce harmonie

Quand on l'entend nous fait rêver du ciel !…

Oh ! de ses bras quand je suis entourée ;

Quand sur mon sein je sens battre son cœur,

Je suis heureuse, et mon âme enivrée

De vos élus partage le bonheur…

C'est tout pour moi… Cet enfant, c'est mon rêve !

Vivre pour lui… toute en lui, c'est mon sort.

De mon amour la vivifiante sève

De ce berceau doit écarter la mort ! ! !…

Bientôt, mon Dieu, soutenu par sa mère

Je le verrai former ses premiers pas !…

Oh ! jour heureux… qu'impatiente, j'espère…

Je crains toujours que tu n'arrives pas !

Et puis encor, dans ma douce espérance,

Je le vois grand, honoré, vertueux,

Ayant gardé de sa timide enfance

La pureté qui doit le rendre heureux.

Oh ! qu'il est beau !… Mon Dieu, prenez ma vie

Si le malheur doit frapper cet enfant !

A mon amour, laissez-le, je vous prie,

Déjà sa bouche a murmuré : Maman ! !…

Mais il est froid… et sa lèvre est pâlie !

Réveille-toi, cher enfant de mon cœur !

Viens sur le sein qui te donna la vie…

Il est glacé… Je frissonne et j'ai peur ! !

Ah ! c'en est fait ! il a cessé de vivre !

Malheur sur moi ! car je n'ai plus d'enfant !

Dieu sans pitié… de rage je suis ivre…

Vous n'êtes pas un Dieu juste et puissant !

Que vous a fait cet ange d'innocence

Pour le ravir sitôt à mon amour ?…

J'abjure ici toute sainte croyance…

Et sous vos yeux vais mourir à mon tour…



Mère !… c'est moi !… c'est mon âme envolée

Que l'Éternel renvoie auprès de toi.

Maudis, ma mère, une rage insensée ;

Reviens à Dieu… je t'apporte la Foi !…

Incline-toi devant l'arrêt du Maître.

Mère coupable, en un passé lointain…

Tu fis mourir l'enfant que tu fis naître :

Dieu te punit !… courbe-toi sous sa main !

Tiens, prends ce livre ; il calmera ta peine.

Ce livre saint… dicté par les Esprits,

Si tu le lis… ô mère, sois certaine

Qu'un jour au ciel tu reverras ton fils ! ! !


Ton ange gardien.



La souscription reste ouverte.

Souscription rouennaise.
Montant des souscriptions versées au bureau de la Revue spirite, et publiées dans le numéro de février. .... 1 491 fr. 40 c.

NOUVEAUX VERSEMENTS JUSQU'AU 28 FÉVRIER :

Société spirite de Paris (elle était portée sur la liste de fé vrier pour 423 fr., et sur celle-ci pour 317 fr.; total 740 fr.) 317

Sociétés et groupes spirites divers. —Montreuil-sur-Mer, 74 fr. (portée sur la liste de février, mais non comprise dans l'addition, par erreur.) —Mescher-sur-Girond, 32 fr. 50 c. Carmaux (Tarn), 20 fr. — Monterai et Saint-Gemme (Tarn), 40 fr.—Chauny (Aisne), 40 fr.— Metz, 50 fr.— Bordeaux (so ciété et groupes Roux et Petit), 70 fr. —Albi (Tarn), 20 fr. — Tours, 103 fr. 30 c. - Angoulême, 18 fr 467 80

Divers abonnés (Paris). —MM. L..., 5 fr.; Hobach, 40 fr. ; Nant etBreul (Passy), 100 fr.; Doit, 1 fr. ; Aumont. libraire (2e versement), 5fr.; Dufaux, 5 fr.; Mazaroz, 20 fr.; Quey- ras, 3fr.; X..., 25 fr.; docteur Houat, 20 fr.; Dufilleul, offi ciers de cuirassiers , 10 fr.; X... (Saint-Junien), 1 fr.; L. D..., 2 fr.; X..., 5 fr.; Moreau, pharmacien (Niort), 10 fr.; Blin, capitaine (Marseille), 10 fr. (figure sur la liste de février pour 20 fr. au lieu de 10 fr., qui ont seuls été comptés dans l'ad dition); J. L... (Digne), 3 fr.; docteur Reignier (Thionville), 7 fr. 50 c.; madame Wilson Klein (grand-duché de Bade), 20 fr.; B... (Saint-Jean d'Angely),2 fr.; A. .. (Versailles), 1 f.; Y... (Versailles), 2 fr.; S... (Dole), 2 fr.; Mariner, officier d'état-major (Orléans), 10 fr.; Gevers (Anvers), 10 fr. C. Babin (de Champblanc, par Cognac), 40 fr 369 50

Spiriles et français de Barcelone (Espagne).— MM. Jaune Ricart et fils, 52 fr. 50 c.; Micolier, 5 fr. ; Luis Nuty, 5 fr. ; Jean Regembat, 5 fr.; Alex. Wigle, photographe, 5 fr. ; Ch. Soujol, 2fr. 60c.;X..., 1 fr. 25 c 76 35

(Avec la somme de 489 fr. 35 c. portée sur la liste de fé vrier, cela fait, pour Barcelone, un total de 565 fr. 70 c.)

Total 2722 05

Errata. — Sur la liste de février, au lieu de Lausat (de Condom), lisez Loubat. — Aulieu de Frothier (de Poitiers), lisez Frottier. —Au lieu deBodin (de Cognac), lisez Babin.

La souscription reste ouverte.

Sur le montant de cette somme, la Revue spiritf a versé le 6 février, à la souscription ouverte par l'Opinion nationale, 2216 fr. 40 c., suivant la note insérée dans la quatorzième liste publiée par ce journal, le 1 5 février.

Nous ferons remarquer que la plupart des groupes et sociétés ont versé à la souscription ouverte dans leur localité. On nous envoie entre autres, de Lyon, la liste suivante des souscriptions recueillies dans différentes réunions spirites.

Groupe Desprêle, cours Charlemagne, 57 fr. 95 c. ; id. des Travailleurs, 93 fr. 30 c.; id. Viret, 26 fr.; id. delà Croix-Rousse, 31 fr. 10 c.; id. Roussel, 48 fr. 30 c.; id. Central, 123 fr.; réunion privée, 15 fr. 25 c.; autre id. 32 fr. 50 c.; autre id. (Edoux), 22 fr.; souscriptions isolées, 316 fr. 50 c.— Total, 765fr. 90 c.

La Société de Saint-Jean d'Angely a versé à la souscription ouverte à la sous-préfecture, 100 fr.

ALLANKARDEC

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