Comment nous entendons parler du Spiritisme.
L'article publié
dans notre numéro du 31 décembre, sur le Spiritisme, a provoqué de
nombreuses demandes à l'effet de savoir si nous nous proposons de
traiter ultérieurement cette question, et si nous nous en faisons
l'organe. Une explication catégorique à ce sujet étant nécessaire pour
éviter toute méprise, voici notre réponse :
« La Discussion est
un journal ouvert à toutes les idées progressives ; or le progrès ne
peut se faire que par les idées nouvelles qui viennent de temps à autre
changer le cours des idées reçues. Les repousser parce qu'elles
détruisent celles dont on a été bercé, c'est, à nos yeux, manquer de
logique. Sans nous faire les apologistes de toutes les élucubrations de
l'esprit humain, ce qui ne serait pas plus rationnel, nous considérons
comme un devoir d'impartialité de mettre le public à même de les juger ;
pour cela, il suffit de les présenter telles qu'elles sont, sans
prendre prématurément parti ni pour ni contre ; car, si elles sont
fausses, ce n'est pas notre adhésion qui les rendra justes, et si elles
sont justes, notre désaveu ne les rendrait pas fausses. En tout, c'est
l'opinion publique et l'avenir qui prononcent en dernier ressort ; mais,
pour apprécier le fort et le faible d'une idée, il faut la connaître
dans son essence, et non telle que la présentent ceux qui ont intérêt à
la combattre, c'est-à-dire le plus souvent tronquée et défigurée. Si
donc nous exposons les principes d'une théorie nouvelle, nous ne voulons
pas que ses auteurs ou ses partisans puissent nous faire le reproche de
leur faire dire le contraire de ce qu'ils disent. Agir ainsi, n'est pas
en assumer la responsabilité : c'est dire ce qui est et réserver
l'opinion de tout le monde. Nous mettons l'idée en évidence dans toute
sa vérité ; si elle est bonne, elle fera son chemin, et nous lui aurons
ouvert la porte ; si elle est mauvaise, nous aurons donné les moyens de
la juger en connaissance de cause.
C'est ainsi que nous
procéderons à l'égard du Spiritisme. Quelle que soit la manière de voir à
ce sujet, nul ne peut se dissimuler l'extension qu'il a prise en
quelques années ; par le nombre et la qualité de ses partisans, il a
conquis sa place parmi les opinions reçues. Les tempêtes qu'il soulève,
l'acharnement qu'on met à le combattre dans un certain monde, sont, pour
les moins clairvoyants, l'indice qu'il renferme quelque chose de grave,
puisqu'il met tant de gens en émoi. Que l'on en pense ce qu'on voudra,
c'est incontestablement une des grandes questions à l'ordre du jour ;
nous ne serions donc pas conséquents avec notre programme si nous la
passions sous silence. Nos lecteurs ont droit de nous demander que nous
leur fassions connaître ce que c'est que cette doctrine qui fait un si
grand bruit ; notre intérêt est de les satisfaire, et notre devoir est
de le faire avec impartialité. Notre opinion personnelle sur la chose
leur importe peu ; ce qu'ils attendent de nous, c'est un compte rendu
exact des faits et gestes de ses partisans, sur lequel ils puissent
former leur propre opinion. Comment nous y prendrons-nous ? C'est bien
simple : Nous irons à la source même ; nous ferons pour le Spiritisme ce
que nous faisons pour les questions de politique, de finance, de
science, d'art ou de littérature ; c'est-à-dire que nous en chargerons
des hommes spéciaux. Les questions de Spiritisme seront donc traitées
par des Spirites, comme celles d'architecture par des architectes, afin
qu'on ne nous qualifie pas d'aveugles raisonnant des couleurs, et qu'on
ne nous applique pas cette parole de Figaro : Il fallait un calculateur,
on prit un danseur.
En somme, la Discussion ne se pose ni en
organe ni en apôtre du Spiritisme ; elle lui ouvre ses colonnes comme à
toutes les idées nouvelles, sans prétendre imposer cette opinion à ses
lecteurs, toujours libres de la contrôler, de l'accepter ou de la
rejeter. Elle laisse à ses rédacteurs spéciaux toute liberté de discuter
les principes dont ils assument seuls la responsabilité ; mais ce que,
dans l'intérêt de sa propre dignité, elle repoussera toujours, c'est la
polémique agressive et personnelle. »