Problème moral - Les Cannibales
Un de nos
abonnés nous adresse la question suivante, avec prière de la faire résoudre par
les Esprits qui nous assistent, si elle ne l'a déjà été.
« Les Esprits
errants désirent, après un laps de temps plus ou moins long, et demandent à
Dieu leur réincarnation comme moyen d'avancement spirituel. Ils ont le choix
des épreuves, et usant en cela de leur libre arbitre, ils choisissent
naturellement celles qui leur semblent les plus propres à cet avancement dans
le monde où la réincarnation leur est permise. Or, pendant leur existence
errante, qu'ils emploient à s'instruire (ce sont eux qui nous le disent), ils
doivent apprendre quelles sont les nations qui peuvent le mieux leur faire
atteindre le but qu'ils se proposent. Ils voient des peuplades féroces, anthropophages,
et ils ont la certitude qu'en s'incarnant chez elles, ils deviendront féroces
et mangeurs de chair humaine. Ce n'est assurément pas là qu'ils trouveront leur
progrès spirituel ; leurs instincts brutaux n'en auront acquis que plus de
consistance par la force de l'habitude. Voilà donc leur but manqué quant au
choix des incarnations chez tel ou tel peuple.
« Il en est
de même de certaines positions sociales. Parmi celles-ci, il en est
certainement qui présentent des obstacles invincibles à l'avancement spirituel.
Je ne citerai que les tueurs de bestiaux dans les abattoirs, les bourreaux,
etc. On dit que ces gens-là sont nécessaires : les uns, parce que nous ne
pouvons nous passer de nourriture animale ; les autres, parce qu'il faut
bien exécuter les arrêts de la justice, notre organisation sociale le voulant
ainsi. Il n'en est pas moins vrai que l'Esprit en s'incarnant dans le corps
d'un enfant destiné à embrasser l'une ou l'autre de ces professions, doit
savoir qu'il fait fausse route et qu'il se prive volontairement des moyens qui
peuvent le conduire à la perfection. Ne pourrait-il arriver, avec la permission
de Dieu, qu'aucun Esprit ne voulût de ces genres d'existence, et dans ce cas,
que deviendraient ces professions nécessaires à notre état social ? »
La réponse
à cette question découle de tous les enseignements qui nous ont été
donnés ; nous pouvons donc la résoudre sans avoir besoin de la soumettre
de nouveau aux Esprits.
Il est évident
qu'un Esprit déjà élevé, celui d'un Européen éclairé, par exemple, ne peut
choisir comme voie de progrès, une existence de sauvage : au lieu
d'avancer, ce serait rétrograder. Mais nous savons que nos anthropophages même,
ne sont pas au dernier degré de l'échelle, et qu'il y a des mondes où
l'abrutissement et la férocité n'ont pas d'analogues sur la Terre. Ces Esprits
sont donc encore inférieurs aux plus inférieurs de notre monde, et venir parmi
nos sauvages, c'est pour eux un progrès. S'ils ne visent pas plus haut, c'est
que leur infériorité morale ne leur permet pas de comprendre un progrès plus
complet. L'Esprit ne peut avancer que graduellement ; il doit passer
successivement par tous les degrés, de manière que chaque pas en avant soit une
base pour asseoir un nouveau progrès. Il ne peut franchir d'un bond la distance
qui sépare la barbarie de la civilisation, comme l'écolier ne peut franchir
sans transition, de l'ABC à la Rhétorique, et c'est en cela que nous voyons une
des nécessités de la réincarnation, qui est bien véritablement selon la justice
de Dieu ; autrement que deviendraient ces millions d'êtres qui meurent
dans le dernier état de dégradation, s'ils n'avaient les moyens d'atteindre à
la supériorité ? Pourquoi Dieu les aurait-il déshérités des faveurs
accordées à d'autres hommes ? Nous le répétons, car c'est un point
essentiel, en raison de leur intelligence bornée, ils ne comprennent le mieux
que dans une étroite limite, et à leur point de vue. Il en est pourtant qui se
fourvoient en voulant monter trop haut, et qui nous donnent le triste spectacle
de la férocité au milieu de la civilisation ; ceux-là, en retournant parmi
les cannibales, gagneront encore.
Ces considérations
s'appliquent aussi aux professions dont parle notre correspondant ; elles
offrent évidemment une supériorité relative pour certains Esprits, et c'est en
ce sens qu'on doit concevoir le choix qu'ils en font. A position égale, elles
peuvent même être choisies comme expiation ou comme mission, car il n'en est
pas où l'on ne puisse trouver l'occasion de faire du bien et de progresser par
la manière même dont elles sont exercées.
Quant à la
question de savoir ce qu'il en adviendrait de ces professions dans le cas où
aucun Esprit ne voudrait s'en charger, elle est résolue par le fait ; dès
lors que les Esprits qui les alimentent partent de plus bas, il n'est pas à
craindre de les voir chômer. Lorsque le progrès social permettra de supprimer
l'office de bourreau, c'est la place qui fera défaut, et non les candidats qui
iront se présenter chez d'autres peuples ou dans d'autres mondes moins avancés.