Revue spirite — Journal d'études psychologiques — 1859

Allan Kardec

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Mme Ida Pfeiffer, célèbre voyageuse

Le récit suivant est extrait du second Voyage autour du monde de Mme Ida Pfeiffer, page 345.

« Puisque je suis en train de parler de choses aussi étranges, il faut que je fasse mention d'un événement énigmatique qui se passa, il y a plusieurs années, à Java, et qui fit tant de sensation qu'il provoqua même l'attention du gouvernement.

« Il y avait, dans la résidence de Chéribon, une maisonnette dans laquelle, au dire du peuple, il revenait des Esprits. A la chute du jour, les pierres commençaient à pleuvoir de tous côtés dans la chambre, et partout on crachait du siri[1]. Les pierres, aussi bien que les crachats, tombaient tout près des personnes qui se trouvaient dans la pièce, mais sans les atteindre ni les blesser. Il paraît que c'était surtout contre un petit enfant que cela était dirigé. On parla tant de cette affaire inexplicable qu'à la fin le gouvernement hollandais chargea un officier supérieur, qui méritait sa confiance, de l'examiner. Celui-ci fit poster, autour de la maison, des hommes sûrs et fidèles, avec défense de laisser entrer ou sortir qui que ce fût, examina tout scrupuleusement, et prenant sur ses genoux l'enfant désigné, il s'assit dans la pièce fatale. Le soir, la pluie de pierres et de siri commença comme de coutume : tout tomba près de l'officier et de l'enfant, sans atteindre ni l'un ni l'autre. On examina de nouveau chaque coin, chaque trou ; mais on ne découvrit rien : l'officier n'y put rien comprendre. Il fit ramasser les pierres, les fit marquer et cacher à un endroit bien éloigné ; ce fut en vain : les mêmes pierres tombèrent de nouveau dans la pièce, à la même heure. Enfin, pour mettre un terme à cette histoire inconcevable, le gouvernement fit abattre la maison. »

La personne qui recueillit ce fait, en 1853, était une femme vraiment supérieure, moins par son instruction et son génie que par l'incroyable énergie de son caractère. A part cette ardente curiosité et ce courage indomptable, qui en ont fait la plus étonnante voyageuse qui ait jamais existé, Mme Pfeiffer n'avait dans le caractère rien d'excentrique. C'était une femme d'une piété douce et éclairée, et qui a maintes fois prouvé qu'elle était loin d'être superstitieuse : elle s'était fait une loi de ne raconter que ce qu'elle avait vu par elle-même, ou ce qu'elle tenait de source certaine. (Voir la Revue de Paris, du 1° septembre 1856, et le Dictionnaire des contemporains, de Vapereau.)


1. Evocation de Mme Pfeiffer. - Je suis là.

2. Etes-vous surprise de notre appel et de vous trouver parmi nous ? - R. Je suis surprise de la rapidité de mon voyage.

3. Comment avez-vous été prévenue que nous désirions vous parler ? - R. J'ai été amenée ici sans m'en douter.

4. Mais cependant vous avez dû recevoir un avis quelconque. - R. Un entraînement irrésistible.

5. Où étiez-vous, lors de notre appel ? - R. J'étais près d'un Esprit que j'ai mission de guider.

6. Avez-vous eu conscience des lieux que vous avez traversés pour venir ici, ou bien vous y êtes-vous trouvée subitement, sans transition ? - R. Subitement.

7. Etes-vous heureuse, comme Esprit ? - R. Oui, on ne peut plus heureuse.

8. D'où vous venait ce goût prononcé des voyages ? - R. J'avais été marin dans une vie précédente, et le goût que j'avais dans cette vie pour les voyages s'est reflété sur celle-ci, malgré le sexe que j'avais choisi pour m'y soustraire.

9. Vos voyages ont-ils contribué à votre avancement, comme Esprit ? - R. oui, parce que je les ai faits avec un esprit d'observation qui me manquait dans l'existence précédente, où je ne m'étais occupée que de commerce et d'intérêts matériels : c'est pour cela que je croyais avancer davantage dans une vie sédentaire ; mais Dieu, si bon et si sage dans ses décrets que nous ne pouvons pénétrer, m'a fait utiliser mes penchants pour les faire servir à l'avancement que je sollicitais.

10. Quelle est celle des nations que vous avez visitées qui vous a paru la plus avancée et que vous préférez ? N'avez-vous pas dit, de votre vivant, que vous placiez certaines peuplades de l'Océanie au-dessus des nations civilisées ? - R. C'était un système erroné. Je préfère aujourd'hui la France, car je comprends sa mission et je prévois ses destinées.

11. Quelle est la destinée que vous prévoyez pour la France ? - R. Je ne puis vous dire sa destinée ; mais sa mission est de répandre le progrès, les lumières, et partant le Spiritisme VRAI.

12. En quoi les sauvages de l'Océanie vous paraissent-ils plus avancés que les Américains ? - Je leur trouvais, à part les vices attachés à l'état sauvage, des qualités sérieuses et solides que je ne rencontrais pas ailleurs.

13. Confirmez-vous le fait qui se serait passé à Java, et qui est rapporté dans vos ouvrages ? - R. Je le confirme en partie ; le fait des pierres marquées et jetées de nouveau mérite explication : c'étaient des pierres semblables, mais non les mêmes.

14. A quoi attribuiez-vous ce phénomène ? - R. Je ne savais à quoi l'attribuer : je me demandais si, en effet, le diable existerait ; je me répondais : Non, et en restai là.

15. Maintenant que vous pouvez vous en rendre compte, veuillez nous dire d'où venaient ces pierres ? Etaient-elles transportées ou bien fabriquées exprès par les Esprits ? - R. Des pierres transportées. Il était plus facile pour eux de les amener que de les agglomérer.

16. Et ce siri, d'où venait-il ? était-il fabriqué par eux ? - R. Si : c'était plus facile, et en outre inévitable, puisqu'il eût été impossible d'en trouver de tout préparé.

17. Quel était le but de ces manifestations ? - R. Comme toujours, pour attirer l'attention et faire constater un fait dont il fût parlé et dont on chercherait l'explication.

Remarque. Quelqu'un fait observer que cette constatation ne pouvait amener aucun résultat sérieux chez de tels peuples ; mais on répond qu'il en a un réel, puisque, par la relation et le témoignage de Mme Pfeiffer, il est venu à la connaissance des peuples civilisés, qui le commentent et en tirent des conséquences : ce sont d'ailleurs les Hollandais qui ont été appelés à le constater.

18. Il devait y avoir un motif spécial, surtout quant à l'enfant tourmenté par ces Esprits ? - R. L'enfant possédait une influence favorable, voilà tout, puisqu'il ne lui a été fait personnellement aucun attouchement.

19. Puisque ces phénomènes étaient produits par des Esprits, pourquoi ont-ils cessé quand la maison a été démolie ? - R. Ils ont cessé, parce qu'on a jugé inutile de les continuer ; mais vous ne devriez pas en être à demander s'ils auraient pu continuer.

20. Nous vous remercions d'être venue et d'avoir bien voulu répondre à nos questions. - R. Je suis toute à vous tous.



[1] Préparation que les Javanais mâchent continuellement, et qui donne à la bouche et à la salive une couleur de sang.

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